Ah, la procrastination. Ce mot élégant que les humains utilisent pour culpabiliser leur incapacité à ne rien foutre. Chez moi, on appelle ça… vivre.
Pendant que vous autres bipèdes vous angoissez à l’idée de ne pas avoir fait ce que vous deviez faire hier pour pouvoir faire ce que vous auriez dû faire demain, moi je m’installe. Littéralement. Sur le tapis. Ou sur le parquet. Ou encore sur une marche d’escalier. Je suis multitâche.
Pendant que vous cochez vos to-do lists avec la ferveur d’un comptable sous cocaïne, moi je médite devant la fenêtre du séjour. Il est 14h03, j’ai entamé ma quatrième sieste. Et tout se passe très bien. J’appelle ça de la gestion de l’énergie par inertie maîtrisée.
Vous, vous appelez ça « glander ». Mais c’est juste parce que vous avez peur du vide.
Alors vous le remplissez avec des trucs inutiles :
- des réunions Zoom où personne n’écoute
- des mails où tout le monde répond « Bien reçu »
- et des bullet point… pour mieux planifier vos crises d’angoisse
Je vous observe mes humains, courir après des listes de choses à faire. Des rappels qui vous rappellent que vous avez oublié d’oublier. Et au final ? Vous passez vos journées à à planifier comment rattraper le temps que vous n’avez pas pris pour vivre. Pathétique.
Vous adorez vous inventer des urgences pour vous sentir vivants. J’entends parfois mon bipède dire « FAUT ABSOLUMENT qu’on parte en week-end sinon je vais EXPLOSER. » Très bien, pars. Moi je vais exploser… une croquette. Calmement. Sans embouteillage sur la périph’. Je vais méditer 7 heures en fixant une une poignée de porte, et ainsi trouver la paix intérieure. Parce que la vraie urgence, c’est de ralentir. Et moi, ma seule urgence, c’est d’atteindre la gamelle sans me faire une hernie.
Pourquoi courir après quelque chose qu’on finira par regretter d’avoir attrapé ? Le succès ? L’ambition ? Le bonheur à haute vitesse ?
Procrastiner, c’est choisir ses batailles
Oui, je repousse. Je repousse les promenades quand il pleut. Je repousse les ordres inutiles (genre « couché » alors que je suis déjà couché depuis 3 heures).Je repousse même l’envie de grogner contre ce foutu robot aspirateur. C’est une forme de sagesse.
Alors franchement, vos urgences : faire du sport, répondre à vos mails, « prendre votre vie en main »… Est-ce si vital ? Vous mourrez tous quand même à la fin.
Procrastiner, c’est une forme de génie
Einstein prenait des bains pour réfléchir. Moi, je me couche et je regarde un coin de mur. Même méthode, moins d’humidité.
En fait, j’ai compris que les idées viennent quand on les oublie. Comme les crottes qu’on planque dans la haie et qu’on redécouvre 3 jours plus tard avec émotion.
Procrastiner, c’est dire non au capitalisme anxieux
Les humains traitent le temps comme un patron colérique : faut le battre, le rentabiliser, l’optimiser. Moi je traite le temps comme un coussin moelleux : faut l’épouser, l’écraser, y laisser une trace de bave et faire corps avec.
Votre devise : « Ne remets pas à demain ce que tu peux faire aujourd’hui. » La mienne : « Si tu peux le faire aujourd’hui, c’est sûrement que ce n’était pas si important. »
Procrastiner, c’est combattre le monde moderne
Procrastiner, c’est résister au bruit, à la productivité forcée, aux mails qui finissent par « Qu’en penses-tu ? » (alors que personne ne pense rien). C’est dire NON à :
- LinkedIn et ses gens qui font du vélo à 6h du matin pour « gagner la journée »
- Les applis de méditation qui te stressent parce que t’as pas médité hier
- Les managers qui « juste relancent pour être sûrs que t’as bien vu leur message » (PS : j’ai vu. Et j’ai ignoré.)
Moi, je suis là pour vous rappeler qu’on n’est pas des machines. Je suis le clignotement doux d’un néon mou, le gargouillis du temps qui s’écoule sans rien faire, la respiration paisible du canapé vivant que je suis devenu. Je suis… le mollusque zen de votre conscience épuisée.
Procrastiner, c’est résister
Alors la prochaine fois que vous vous sentez coupables de ne pas avoir vidé le lave-vaisselle, fini ce dossier, lancé ce projet, rangé la cave ou répondu à Denise du service RH… Posez-vous une vraie question : »Est-ce que c’est grave si je le fais demain ? »(Spoiler : non).
La prochaine fois qu’un humain vous dit « Faut t’y mettre, faut avancer », asseyez-vous. Regardez-le bien dans les yeux. Puis baillez longuement. Et retournez vous coucher.
Car au fond, procrastiner, c’est résister. Et résister, c’est vivre.
À demain. Ou pas.
Raymond de Rennes