#1 Éloge de la lenteur

#1 Éloge de la lenteur

Mes chers bipèdes hyperconnectés,

Je vous écris entre deux bâillements, affalé sur mon coussin comme Churchill après un banquet – la victoire en moins, mais la bedaine en plus. Je vous observe, haletants, les pouces cramés par le scroll, connectés à tout sauf à vous-mêmes, et je me dis : quelle espèce fascinante.

Permettez que je m’introduise : Raymond, 23 kilos de dignité plissée et de sagesse ronflante. Je suis venu vous parler d’un art oublié, piétiné, moqué : la lenteur.

Olivier Hamant – un humain manifestement en avance sur son espèce – dit d’elle qu’elle est l’antidote au culte de la performance. Un homme bien. Et un propos que j’approuve de toute ma mâchoire inférieure.

La lenteur, voyez-vous, ce n’est pas de la flemme, c’est du discernement.

C’est l’élégance de ne pas s’agiter pour rien. C’est refuser de galoper vers l’inutile. C’est tirer la langue à l’agenda. C’est regarder une marguerite pousser et se dire : « Voilà une carrière admirable. » Je la pratique comme d’autres pratiquent le yoga : avec souplesse nulle mais une foi inébranlable. Le matin, je me lève à 11h, j’hésite une bonne heure devant ma gamelle, et je termine ma journée en regardant le mur. Intensément.

Je dors dix-huit heures par jour – un rythme que je recommande à tous les consultants en burnout précoce. Je réfléchis avant chaque aboiement, ce qui me place déjà au-dessus de pas mal de managers intermédiaires. Et surtout, je n’ai jamais couru après une balle : si elle m’aime, elle reviendra. Et pourtant, je suis plus lucide que la majorité des cadres survitaminés qui tournent en rond dans le parc en pensant “faire le vide”. Moi, je le fais vraiment. À mon rythme.

Je vous le dis, chers bipèdes stressés : à courir après la performance, vous ratez la beauté du monde.

Un monde qui, je vous le rappelle, continue de tourner même quand je dors 18 heures par jour. La preuve irréfutable qu’il n’y a urgence que pour ceux qui courent.

Alors, de grâce, lâchez vos téléphones. Faites une pause. Regardez un nuage. Marchez sans objectif. Et surtout, cessez de croire que bouger, c’est exister. Parfois, ne rien faire est la forme la plus pure d’intelligence.

Bien lentement votre,

Raymond

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